On voudrait être mystérieux·ses mais on aime trop parler (…)
Ethan Assouline
«On voudrait être mystérieux·ses mais on aime trop parler (…)»
Commissaire: Thomas Maestro
Lors de sa résidence, Ethan Assouline souhaite observer plus particulièrement les manières dont les adolescent·es se construisent et élaborent leur langage pour elles et eux, entre elles et eux et en rapport au monde. Si l’enfance est généralement idéalisée et perçue comme une bulle ludique préservée du monde, cette présentation en efface les complexités et les violences. L’adolescence, elle, plongerait les individu·es dans une période de lutte intérieure et extérieure, contre leurs pairs, leur famille, la société… Elle se veut la continuité d’un parcours vers l’autonomie et l’entrée dans le monde des adultes où il faut se confronter aux choix qui sont offerts ou imposés. Les adolescent·es sont à un moment charnière de la construction de leur identité, qui doit se faire au sein de différents groupes dans le cadre familial, amical, amoureux, scolaire ou du début de la vie professionnelle. L’intimité peut alors être le lieu d’expression d’un malaise intérieur comme un espace d’autoconstruction et d’autoréflexion, un refuge qui permet de choisir ce que l’on garde pour soi et ce que l’on livre aux autres.
L’artiste propose aux adolescent·es de l’association Repères d'imaginer et de construire des journaux intimes. Elles et ils créent des objets, des réceptacles permettant de dissimuler ou de révéler les pensées intimes de chacun·e des participant·es. Ces journaux accueillent des récits secrets ou échangés collectivement, composés lors d’ateliers d’écriture qui rythment la résidence. Ces derniers invitent les jeunes à développer un rapport personnel à l’écriture en tentant de se décomplexer dans le rapport à leur production écrite. Elles et ils peuvent envisager la «qualité» d’un texte comme une notion variable, qui évolue selon le regard de son auteur·rice et de ses lecteur·rices éventuel·les. D’autres artistes interviennent ponctuellement auprès du groupe, afin de partager avec les participant·es différentes manières d'exprimer et de traduire leurs intimes, par le dessin, la couture ou la lecture collective par exemple.
Il est également proposé aux participant·es de parcourir la ville alentour. Les changements qui nous affectent à un niveau individuel à certaines périodes de notre vie peuvent être mis en relation avec l’observation de la ville, cet espace commun en constante évolution. Ensemble, les participant·es parlent de ce qui a changé, ce qui a été détruit, ce qui a été construit. Elles et ils peuvent chercher les raisons de ces évolutions et comprendre à qui elles profitent.
Au travers d'œuvres plastiques, d’écrits et d’échanges oraux, l’artiste et les participant·es discutent ensemble du rôle de la parole: comment on la construit; comment on la prend; son utilité dans les moments de transformation et d’affirmation de soi; son partage pour créer et trouver des espaces communs; son rôle politique; et le rôle du silence, parfois nécessaire. Les expériences individuelles et tentatives communes sont documentées au fil de la résidence par l’artiste. Un travail éditorial, qui peut également être collectif, vise à constituer une archive. Une revue rassemble ainsi les traces de ce projet aux multiples formes, pour le rendre accessible aux publics sans en trahir les secrets.
on imagine difficilement
un monde sans toi
parce que tu as forcé ta place
dans nos regards
alors nos mots
se reposent un peu
dans un petit coin
qu’on a construit
au cœur de ton horreur
et puis ressortent
on reste alerte
on documente
on ferme ni nos yeux
ni nos bouches
car les fermer
c’est abandonner le monde
entre tes mains
(…)[1]
[1] Ethan Assouline, extrait de que faut-il vous dire ? (texte en cours), 2023.
Après un parcours en école d’art (ESADHaR Le Havre et Rouen), Thomas Maestro a choisi d’ouvrir sa pratique artistique à une dimension curatoriale. Il s’est formé dans le cadre d’un master de commissariat d’exposition (Sorbonne Université) et fait partie du collectif Champs magnétiques. Avec ce groupe, il co-construit les cycles d’expositions «Des soleils encore verts» (2021) et “Le réseau des murmures” (2023-2024). Il a également été curateur associé et chargé de projets au Cneai (Centre National Édition Art Image), puis assistant artistique et de commissariat auprès de Daniel Purroy à Vitry-sur-Seine (artiste et ancien directeur artistique de la Galerie Municipale Jean-Collet). Il est également membre du duo artistique et curatorial Éléments partout, cofondé en 2020 avec sa collaboratrice Agathe Schneider. Il s’intéresse aux secrets, aux décalages du réel, aux ruines et aux cabanes, à ce qui est peu visible mais bien présent. La transmission est au cœur de ses envies, en tant que vecteur de mouvements collectifs.
Ethan Assouline (né en 1994) vit et travaille à Paris. Sa pratique, qui se déploie à travers la sculpture, l’installation, l’écriture, l’édition, le dessin et l'organisation de moments collectifs autour de la lecture et l'écriture tente de poser un regard critique sur la ville moderne et son langage dans ses dimensions architecturales, économiques et politiques. Il a exposé son travail, entre autres, au centre d’art et de recherche Macao à Milan en 2019, au Crédac à Ivry-sur-Seine en 2022 et au Grand Café à Saint-Nazaire en 2023. Il est membre de Treize, structure associative de production, d’exposition et d’édition.
La revue Abri de Pensée (La Cabane) a été éditée en co-création avec les jeunes et l’équipe de l’EDI Repères à Brétigny-sur-Orge. Ce projet s'inscrit dans le cadre du Contrat d'Éducation Artistique et Culturelle (CTEAC) de Cœur d'Essonne Agglomération avec la DRAC Île de France et l'Académie de Versailles.