ELGER
11.04—01.07.23
Conversations sur deux années d’ateliers artistiques en institutions
Avec Juliette Beau Denès, Morgane Brien-Hamdane, Laura Burucoa, Pauline Lecerf, Vinciane Mandrin, Zoé Philibert et des amateur·ices et partenaires du territoire.
Graphisme: Morgane Masse
Assistantes curatoriales: Ariane Guyon, Mathilde Moreau, Jun Zhang
Médiatrices: Milène Denécheau, Louise Ledour, Elena Lespes Muñoz
Assistantes médiation: Domitille Guilé, Anna Pericchi et Mathilde Moreau
Commissaires: Fanny Lallart et Céline Poulin
ELGER est un projet mené par le CAC qui se situe au croisement de l'art et de l'éducation populaire. Il s’agit d’une série d'interventions artistiques collaboratives avec des groupes d'enfants, d’adolescent·es et d’adultes, dans l'idée de réfléchir aux processus de transmission comme forme, comme proposition artistique.
Via la danse, l’écriture, le chant, le costume etc., les habitant·es et les artistes ont fait vivre d'autres types d'organisations collectives, essayé d'autres façons de faire ensemble. S'en est suivie une série d'entretiens avec les artistes, les partenaires, les médiatrices et participant·es, menés par Fanny Lallart et Céline Poulin pour analyser tout ça. L’exposition présente les fruits de ces échanges et expérimentations sous forme d’une édition designée par Morgane Masse, et certaines des réalisations produites.
En 2020-2021, ELGER a réuni des actions menées par les artistes avec l'école maternelle et l'école primaire Aprinivilla d'Avrainville, l'école primaire Roger Vivier de Marolles-en-Hurepoix, l'école primaire André Malraux de Villiers-sur-Orge, le collège Jean Zay de Morsang-sur-Orge, le collège Roland Garros de Saint-Germain-lès-Arpajon et la Maison d’arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis. En 2021-2022, ELGER a réuni des actions menées par les artistes avec l'école maternelle Alphonse de Lamartine de Saint-Michel-sur-Orge, l'école élémentaire Paul Langevin de Saint-Germain-lès-Arpajon, le collège Roland Garros de Saint-Germain-lès-Arpajon, l'Accueil-Jeunes de Bruyères-le-Châtel, la Maison d'arrêt pour femmes de Fleury-Mérogis, l’Espace de Dynamique d'Insertion (EDI) Repères de Brétigny sur Orge et la Fédération Habitat et Humanisme—Hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) de Bonnelles.
L’exposition, co-produite par le Théâtre Brétigny, est conçue en écho à «La beauté du Geste» et «Si loin si proche», cycles de la saison dedans / dehors dédiés aux pratiques collaboratives et aux dynamiques de création partagées et situées en danse et en théâtre.
Comment déjouer les rapports verticaux au sein d'un groupe? Comment redéfinir les polarités opposant habituellement l'enseignant·e et l'apprenant·e? Comment déhiérarchiser les savoirs? Ce sont autant de questions qui ont été explorées au cours des différents ateliers.
ELGER prend place en parallèle et en dialogue avec un autre projet mené au centre d'art autour des enjeux de pédagogie: l'Ǝcole. Véritable recherche en acte, l’Ǝcole est un espace de discussion et d’expérimentation pour ses futur·es usager·ères potentiel·les afin de penser des contenus pédagogiques et une structure partagés: qui enseigne quoi, comment et pour qui? À la fois distincts, mais aussi liés par les problématiques qu'ils soulèvent, ELGER et l'Ǝcole ont pu se nourrir mutuellement dans leurs expérimentations respectives.
Prononcé «Elles gèrent», ELGER fait référence aux méthodologies d'auto-détermination mises en place par différents courants féministes depuis les années 1970. En effet, leurs pensées ont permis de conscientiser ce qui nous détermine, nous ont apporté des outils pour penser la circulation de la parole et du pouvoir, notamment par l'attention toujours renouvelée qu'elles portent à la transmission horizontale comme un acte d'autodéfense. Influencées par des penseuses féministes et pédagogues comme bell hooks ou Audre Lorde, nous sommes attachées à l'ancrage d'ELGER dans cette histoire. Aussi, c'est pourquoi nous avons fait le choix d'adresser notre invitation seulement à des femmes, dont le travail s'inscrit directement pour certaines dans ces enjeux.
ELGER est aussi un projet d’éducation populaire et ainsi ancré dans cette histoire méconnue du milieu de l’art. Le travail prospectif de l’artiste Marie Preston et son livre Inventer l’école, penser la co-création infuse notre recherche. En effet, l'investigation de Marie Preston au sein des écoles ouvertes, dispositifs publics pensant la co-éducation, met en avant certains outils permettant le travail en groupe:
Pour s’inventer en tant que collectif, chaque groupe doit décider de gestes instituants spécifiques à son fonctionnement. Cela suppose que des «artifices», des «institutions» soient mis en œuvre. L’artifice «tente de faire fuir les agencements qui, dans une situation donnée, bloquent, enferment les capacités d’agir.» Il consiste à inventer de nouvelles habitudes et à croire en leur potentiel effet transformateur. Il nous oblige à des «décalages» et à réfléchir à ce qui semble «naturel». Quant au terme «institution», pour Fernand Oury il désigne «ce que nous instituons ensemble en fonction de réalités qui évoluent constamment»: «La simple règle qui permet à dix gosses d’utiliser le savon sans se quereller est déjà une institution.» [...] Ainsi dans les pédagogies institutionnelles comme dans la co-création, la formation et le fonctionnement du groupe participent des recherches-actions et recherches-créations en étant parties prenantes du processus artistique et du processus pédagogique. La conscientisation du groupe et l’implication de chacun·e dans son fonctionnement accompagnent l’activité partagée dans une dynamique démocratique. L’éducation populaire et les pédagogies institutionnelles nous donnent des outils techniques et théoriques permettant ce devenir collectif. Pourquoi cela est-il nécessaire? Car les phénomènes qui ont lieu au sein d’un groupe sont les mêmes que ceux que l’on trouve dans nos sociétés qui favorisent l’individualisme, où les relations sont sous-tendues par des enjeux de pouvoir, par des rapports différents à la langue, par des processus de domination homme/femme, culturels ou encore économiques. [...] En 1986, Félix Guattari disait dans le cadre d’un colloque sur «L’éducation et ses réseaux» qu’il faut d’abord «réinventer des machines de socialité, […] au niveau le plus élémentaire, pour qu’ensuite puissent se réinstaller des formes d’organisation capables de reprendre en charge les grands problèmes de société.»[1]
Forte de ce constat, chaque artiste ou médiatrice a ainsi mis en place dans ses ateliers un processus «artificiel» pour expérimenter d’autres façons d’être ensemble. Par ailleurs, les héritages de la pensée féministe et de l’éducation populaire nous intéressent aussi dans leur capacité à penser autrement la catégorisation traditionnelle des savoirs. La déconstruction de ce qui oppose habituellement les savoirs dits «légitimes» (aux yeux des institutions artistiques ou éducatives) et ceux non légitimes, a également été un axe exploré à travers les ateliers en convoquant par exemple la danse domestique, le fan art, le nail art, ou encore en apprenant à se couper la parole.
ELGER est ainsi porté par l'idée, utopique mais importante, qu'à l'échelle de chaque groupe se jouent et se rejouent des logiques qui articulent plus largement une société. Dans cette dynamique, faire vivre d'autres types d'organisations collectives, essayer d'autres façons de faire ensemble, est une expérience d'émancipation politique forte.
Fanny Lallart et Céline Poulin
Notes:
[1] Extrait du livre de Marie Preston, Inventer l’école, penser la co-création, dir. Marie Preston & Céline Poulin, éditions Tombolo Presses et CAC Brétigny, 2021.
L’exposition «ELGER» est co-produite avec le Théâtre Brétigny. Le projet ELGER s'inscrit dans le cadre du Contrat Territorial d'Éducation Artistique et Culturelle (CTEAC) de Cœur d'Essonne Agglomération avec la DRAC Île-de-France et l'Académie de Versailles. Il est mené en partenariat avec Massage Production, qui bénéficie du soutien du département de l’Essonne. En 2020-2021, ELGER a réuni des actions menées par les artistes avec l'école maternelle et l'école primaire Aprinivilla à Avrainville, l'école primaire Roger Vivier de Marolles-en-Hurepoix, l'école primaire André Malraux à Villiers-sur-Orge, le collège Jean Zay de Morsang-sur-Orge, le collège Roland Garros de Saint-Germain-lès-Arpajon et la Maison d’arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis en partenariat avec le Service Pénitentiaire d'Insertion et de probation de l'Essonne et en collaboration avec le MAC VAL. En 2021-2022, ELGER a réuni des actions menées par les artistes avec l'école maternelle Alphonse de Lamartine de Saint-Michel-sur-Orge, l'école élémentaire Paul Langevin de Saint-Germain-lès-Arpajon, le collège Roland Garros de Saint-Germain-lès-Arpajon, l'Accueil-Jeunes de Bruyères-le-Châtel, la Maison d'arrêt pour femmes de Fleury-Mérogis en partenariat avec le Service Pénitentiaire d'Insertion et de probation de l'Essonne, l’Espace de Dynamique d'Insertion (EDI) Repères de Brétigny sur Orge et la Fédération Habitat et Humanisme—Hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) à Bonnelles. Le projet ELGER a été partie prenante de l'été culturel de Cœur d'Essonne Agglomération en 2021. Dans ce cadre il a bénéficié des soutiens de la DRAC Île-de-France et du Département de l'Essonne, et s’inscrivait dans le programme «Plein Soleil/L'été des centres d'art» porté par d.c.a.
Fanny Lallart (née en 1995 à Lyon) vit et travaille à Marseille et est artiste, écrivaine et éditrice. Elle a étudié à l’École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy où elle a passé son diplôme en octobre 2019. Ce dernier a pris la forme d’un espace de parole radiophonique ouvert. Elle développe depuis plusieurs années un travail critique à travers une pratique d’écriture et des projets collectifs. Elle a publié son mémoire sous forme de fanzine, intitulé 11 textes sur le travail gratuit, l’art et l’amour, dans lequel elle interroge notre rapport au travail en s’appuyant sur les pensées d’autrices comme Elsa Dorlin, Sara Ahmed et Sarah Schulman. Elle est co-fondatrice de la revue Show, une revue étudiante participative. Elle a également été à l’initiative avec Thily Vossier de «Minimarket», un cycle d’expositions dans une supérette à Lyon de 2016 à 2019. En 2021 et 2022, Fanny Lallart a été accueillie en résidence au CAC Brétigny. Elle est actuellement en résidence à Marseille, chez Triangle–Astérides.
Juliette Beau Denès est diplômée en 2020 de l’École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy (ENSAPC). Elle pratique l’écriture et la photographie. Elle travaille en particulier sur l'autoportrait (photo et écrit) et réfléchit à l'image de soi, comme outil d'émancipation et outil d'auto-fiction. En 2020, elle a intégré le master Création littéraire de l’Université Paris 8 Vincennes—Saint-Denis et elle fait partie de la revue étudiante participative Show. Monitrice BAFA en dehors de son travail d’artiste, Juliette a l’habitude de travailler avec des publics jeunes.
Morgane Brien-Hamdane est diplômée de l’ebabx—école supérieure des Beaux-Arts de Bordeaux en 2019. Elle développe une pratique centrée sur la danse et l'écriture, notamment en animant des ateliers dédiés aux approches kinésithérapeutiques du corps dans des squats et des milieux associatifs. Également chercheuse au sein du département Danse de l’Université Paris 8 Vincennes—Saint-Denis, elle travaille sur l’écriture d’un livre interrogeant le lien entre la danse comme pratique domestique et les pratiques somatiques comme modèles d’une pédagogie nouvelle.
Diplômée de la Haute École des Arts du Rhin en 2018, Laura Burucoa s'intéresse aux pratiques de transmissions de savoirs ainsi qu'aux manières de faire histoire par le biais de la vidéo, la performance, l'écriture et la conception de situations collectives. Elle développe une attention particulière aux enjeux et aux moyens de communiquer, raconter et collaborer lors d'expériences comme animatrice en séjour de vacances pour enfants ou comme guide conférencière (aux Rencontres d'Arles à l'été 2015 et au MAC VAL depuis 2019). Penser l’œuvre d’art dans toute son écologie et travailler les contextes de production, de diffusion et de médiation sont des composantes importantes pour chacun de ses projets. Elle a également participé à plusieurs expositions collectives comme artiste ou curatrice (CRAC Alsace, Syndicat Potentiel, Hangar 9, Casino Luxembourg, etc.).
Pauline Lecerf vit et travaille à Paris. Elle obtient son diplôme en 2016 à la Haute École des arts du Rhin (HEAR) et participe en 2018 au programme de recherche «Création & Mondialisation» de l'École offshore de Shanghai. Elle réalise des pièces radiophoniques, des dessins, des performances et des publications. À travers ces médiums variés, elle explore avec poésie et humour des relations de tension (le précis/le flou, l’inquiétant/le rassurant, comprendre/ne pas très bien comprendre). Pauline Lecerf est aussi à l’origine de «Tomber oui, souffrir non» en 2019 (en collaboration avec Adélaïde Gandrille et Flore Magnier, traceuses de parkour), un cours-performance gratuit de 1h15 consacré aux techniques permettant de tomber par terre sans se faire (trop) mal.
Vinciane Mandrin est diplômée en 2020 de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon (Ensba Lyon). Elle développe une pratique polymorphe en prenant l'écriture comme point de départ. Elle travaille sur les manières de penser, avec une grammaire artistique, des stratégies de défense, de fuite ou de détournement des assignations. Son travail se développe dans des formes performatives, éditoriales, sonores. Elle intervient aussi régulièrement dans des tables rondes, revues, fanzines, émissions radio ... Elle a créé en 2018 le collectif féministe intersectionnel Cybersistas, groupe de travail sur les questions de discriminations dans les écoles d'art. Depuis peu, elle conçoit et anime, avec Nino André et le collectif Fouhét-Cù, des workshops autour de questions d'autodéfense féministe et de performance dans des écoles d'art (ISBA Besançon, ENSAD Paris, ENSAPC, ESACM ...). Elle a récemment présenté sa dernière pièce performative, Cabaret Quelconque, à la BF15 (Lyon).
Zoé Philibert est née en 1991 à Albi et elle vit et travaille à Montreuil. Diplômée en 2016 de l’École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy (ENSAPC). Zoé Philibert écrit des textes qu’elle publie sur son site internet et dans des éditions bricolées. Elle conçoit aussi affiches et performances et réalise depuis 2016, la web-série WAFA qui montre les séances d’échauffement d’un groupe de «gigoteurs» en quête d’un «nouveau mouvement». Son travail prend aussi la forme de «concert-tutoriels», de «textes-partitions à danser», de «pogo-poèmes» et de séances de danse collectives. La danse et la pratique du mouvement lui sont rapidement apparues comme le prolongement évident des poésies actions. Les expériences de groupe se retrouvent dans l’ensemble de ses projets, par exemple avec les interprètes avec qui elle travaille, qui composent au fil des projets une véritable bande.
Ressources
Agenda
-
Samedi 22 avril 2023, 16h-20h
ELGER
Vernissage et lancement de l'édition
À l’occasion du vernissage, lancement de l'édition ELGER: Conversations sur deux années d’ateliers artistiques en institutions.
Entrée libre.
Navette gratuite Paris-Brétigny: départ à 16h du 104 avenue de France, 75013 Paris (métro Bibliothèque François Mitterrand). Réservation indispensable: reservation@cacbretigny.com.