«J’préfère quand c’est réel»
Safouane Ben Slama
04.01—15.07.22
Exposition au Théâtre Brétigny
Vernissage le dimanche 16 janvier
Dans le cadre du cycle «La Vie en Rose» (janvier-avril)
J’ai été particulièrement touchée que Safouane Ben Slama accepte l’invitation. Cela faisait longtemps que je fantasmais un travail photographique dans le 91. J’avais une envie sincère et nécessaire d’images de l’endroit où j’ai grandi, n’ayant jamais reconnu ma réalité dans celles qui étaient médiatisées.
«J’essaye d’éviter de renvoyer à des «pseudo-codes» de la banlieue, c’est hyper tentant parce que ça te renvoie à quelque chose de très concret, mais c’est aussi une diversion, une imitation du réel. C’est donner une image déjà préconçue.
Dans ces images, y’a beaucoup de vert. C’est quelque chose qui me plait beaucoup dans ces photographies. Y’avait le soleil, mais aussi la verdure. Ce n’est pas ce qu’on s’imagine comme fond, comme décor de la banlieue parisienne. On s’imagine du gris, mais en fait on voit bien que c’est toujours vert. C’est une des couleurs qui domine clairement.» Safouane
La manière de travailler de Safouane correspond très justement à l’Essonne qui est un vaste terrain à explorer. Il faut passer du temps à traîner, à flâner et à rencontrer ceux et celles qui habitent ses espaces. C’est très clairement ce qui caractérise la pratique de l’artiste qui porte une attention particulière à la beauté d’un moment simple et furtif, celui d’un geste, d’un regard ou d’un rayon de soleil.
«Parfois, j’avais l’impression d’être un personnage de science-fiction qui remontait le temps et qui devait intervenir mais sans que personne le capte. Il ne fallait rien toucher sinon t’avais un chamboulement dans le futur. Et bah, c’est exactement ce que je ressens. Je me disais «là il se passe un truc de ouf, il faut que j’intervienne mais faut que ça soit très bref et sans douleur» tu vois? Sans le dénaturer, pour que la magie de l’instant ne disparaisse pas.» Safouane
Safouane a passé quatre mois à enquêter, essayant de capturer le réel en mouvement. Faire usage de l’appareil photographique n’est pas anodin, c’est un médium qui a l’ambiguïté de prétendre fixer un instant: témoignage du visible, il n’en fait qu’une rapide esquisse. La ruse pour déjouer le manque de nuance de la photographie, a été d’intégrer directement la rue, de s’identifier à elle, pour tenter d’éviter le piège d’une vision utopique.
«Ce qui est intéressant, c’est que ça a été fait dans la rue. C’est pas moi qui suis dans un studio photo et qui choisis délibérément les modèles. J’ai fait des choix bien-sûr, mais j’ai fait avec ce qui s’est présenté à moi aussi. Je n’invente pas ces scènes, je les choisis.
Et c’est ce que je trouve intéressant: c’est une réalité. C’étaient des moments concrets, bien réels.
J’ai senti vraiment qu’il y avait un truc qui était déjà-là. Ce que j’ai fait, c’était le faire émerger. En réalité, c’était déjà-là, cette tendresse-là, cette attention aux autres. Même ce qui n’est pas dans l’image est «tendre»: la manière dont les choses se sont faites, la rencontre.» Safouane
J’ai l’impression que les images de Safouane ont mis le doigt sur ce que je ressens très intensément quand je repense à ma jeunesse dans le 91. À mon sens, il a réussi à montrer une générosité, une solidarité qui émane des moments de réunion et de ce qu’il y a d’optimiste et de joyeux dans le fait d’être ensemble. Les images naissent d’une négociation entre le photographe et ceux et celles qui sont photographié·e·s, collaborant et prenant en compte des envies réciproques.
«C’étaient des moments très généreux. Quand je parlais, j’avais l’impression de faire comprendre l’intention, ça les touchait. Par exemple, les filles que j’ai rencontrées à Etampes étaient super enthousiastes quand je leur parlais de micro-gestes, d’attention. Je sentais qu’il y avait une vraie envie. Peut-être que j’ai réussi à formuler ce truc-là, mais en fait ça existait avant même que j’apparaisse. Les gens avaient envie de ça. C’est un truc qui était à l’état gazeux, un peu là en mode vapeur, invisible, mais dont on avait le pressentiment.
Moi ce qui m’intéresse c’est d’extraire des éléments du réel pour essayer de le réenchanter, le réenchanter en le montrant. De dire que dans la réalité, à telle heure, etc. ... il s’est passé ça. Ça a existé. C’est hyper précieux. C’est une espèce de mémoire collective à forger. Il faut réinvestir la mémoire et l’imaginaire collectif.» Safouane
L’exposition met en lumière la jeunesse du département qui investit largement les espaces publics et en fait des lieux de sociabilité. Loin de proposer un portrait exhaustif des essonniens, les images témoignent d’une recherche en cours de Safouane. Celles-ci ouvrent sur les possibilités de nouvelles représentations, suggérant tout ce qu’il reste encore à montrer de l’Essonne.
Camille Martin,
Commissaire de l'exposition
Safouane Ben Slama a étudié la philosophie et est diplômé du master Science et métiers de l’exposition à l’Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne. Au fil de ses déambulations et voyages, il développe un rapport spontané et autodidacte à la photographie. Naviguant dans des contextes urbains et périurbains, sa pratique tend à révéler les gestes et marques des corps dans ces territoires. En 2021, il a mené un atelier dans le cadre du programme «Voir c’est croire, la preuve par l’image?», porté par LE BAL / La Fabrique du Regard. Il a participé à «Répliques Imaginaires» au 62e Salon de Montrouge (2017), en association avec le Mois de la Photo du Grand Paris et collabore régulièrement avec les magazines Vice, i-D ou Dazed & Confused.
Camille Martin est commissaire d’exposition indépendante. Elle rejoint l’équipe du CAC Brétigny en mai 2018 en tant qu’assistante curatoriale et de production, puis prend le poste de responsable de production jusqu’en février 2022. Durant ces quatre années, elle co-conçoit et accompagne notamment la résidence de Laura Burucoa (2019-2021) et se charge du commissariat des expositions au Phare, espaces d’accueil du Théâtre Brétigny, en 2021 et 2022 («À Ambroise et Aziza» de Neïla Czermak Ichti et Ibrahim Meïté Sikely, «En attendant les voitures volantes» de Laura Burucoa et «J’préfère quand c’est réel» de Safouane Ben Slama). En parallèle, avec Cathy Crochemar, elles créent en 2019 le collectif commizariat, qui pense pour la jeune création contemporaine des cadres de monstration festifs et populaires.
«J’préfère quand c’est réel» est une co-production CAC Brétigny—Théâtre Brétigny.
Agenda
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Dimanche 16 janvier 2022, 15h—18h
«J’préfère quand c’est réel»
Vernissage
Ouvert à toutes et à tous.
Navette gratuite Paris-Brétigny:
Départ à 14h du 104 avenue de France, 75013 Paris (métro Bibliothèque François Mitterrand). Réservation indispensable: reservation@cacbretigny.coBrunch annulé, pas de boisson et de restauration sur place selon les nouvelles mesures sanitaires en vigueur. L'accès au CAC Brétigny est soumis à la présentation d'un pass sanitaire.