Des soleils encore verts
15.07—17.07.21
Une exposition en mouvement avec:
Léonore Camus-Govoroff
Louis Chaumier
Jérôme Girard
Ninon Hivert
Konstantinos Kyriakopoulos
Maïa Lacoustille
Lucille Leger
Masha Silchenko
Chloé Vanderstraeten
Commissariat: collectif Champs magnétiques
«Des soleils encore verts»[1] est une expérimentation curatoriale pensée par le collectif Champs magnétiques, convoquant le travail de neuf artistes diplômé·es de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. Son titre, emprunté au poème éponyme d’Andrée Chedid, ouvre à de nouveaux imaginaires: les artistes réuni·es s’intéressent à ce qui pourrait advenir, dans et hors du monde. L’exposition donne à voir des formes de résistances et de spiritualités contemporaines, rêve à des futurs alternatifs. Elle regarde vers l’horizon, où se lèvent «des soleils à face insoupçonnée»[2], encore verts de tous les possibles.
Nous souhaitons que cette exposition s’adapte, se transforme et engendre de nouvelles formes de confrontation aux œuvres. «Des soleils encore verts» s'inscrit dans les interstices de programmation des lieux qui l'accueillent. L’exposition se développe en plusieurs temps courts. Chacune de ses occupations passagères est pensée comme le fragment d’un tout et se nourrit de ce qui l’a précédée, comme de ce qui advient. Elle déploie sa propre cartographie, s’ancrant temporairement dans des territoires, valorisant l’écoute des lieux, des forces qui s’y expriment et des êtres qui les habitent. Un premier cycle de cette initiative s'inscrit au sein de quatre espaces: Mains d’Œuvres, lieu indépendant de création et de diffusion pour l’imagination artistique et citoyenne; le CAC Brétigny, dont la structure, marquée par les théories de l'éducation populaire et la co-création, fonctionne comme un espace collectif, chacun·e participant activement à la construction et à l’identité du projet; Bétonsalon—Centre d’art et de recherche qui développe des activités collaboratives autour de l'hospitalité et des manières de faire commun; et l’association DOC!, lieu autogéré de résidences et d’expositions, pensé par et pour les artistes. Les possibilités d’ancrage dans d’autres institutions ou organisations artistiques restent ouvertes, au fil d’une errance dont la fin n’est pas arrêtée a priori.
L’occulte, les spiritualités contemporaines et les savoirs alternatifs s’érigent en résistance face aux dogmes de la pensée rationaliste. Les artistes présenté·es au CAC Brétigny révèlent le merveilleux et l’invisible contenus dans les replis, les matériaux, les formes et les sensations visuelles, auditives et olfactives. À l’écoute des mondes, les œuvres présentées créent de nouveaux paysages, univers étranges et mystiques d’objets habités. Elles mettent en jeu une cosmogonie qui reconnaît et accepte d’autres formes de présence. Comme l’explique Vinciane Despret [3], dans le monde occidental, les différences, l’irrationalité et les perceptions hétérogènes ont été disciplinées, au détriment des croyances. Or, l’acte de mémoire est un acte de création: celui de recomposer, de reconnecter, d’hériter de récits et d’en laisser émerger de nouvelles narrations. Par le réemploi des connaissances de la médecine traditionnelle, de rites et de langues oubliées, Léonore Camus-Govoroff et Maïa Lacoustille politisent et questionnent ces croyances. Par leurs installations, elles explorent les contraintes des normes sociales et déconstruisent les systèmes de domination. Jérôme Girard crée des outils et des instruments de musique inspirés des savoir-faire ancestraux et donne à la musicalité une dimension spatiale. En faisant intervenir des énergies qui entrent en communion avec les matériaux, l’activation de ses sculptures sonores leur confère un souffle, une présence. Les dessins de Chloé Vanderstraeten font écho à ces sculptures sonores animées par une respiration. Issues d’un univers généré par des actions humaines, dont celles de respirer, les œuvres de l’artiste font des gestes vitaux que sont l’inspiration et l’expiration les conditions d’une création qui dépasse les conventions graphiques pour revenir à l’intuition. Des esprits mystérieux occupent quant à eux les toiles et les céramiques de Masha Silchenko. Nous sentons la présence des yokai [4] dans ses bols-diables et ses vases ailés, nous entrevoyons les silhouettes des esprits qui s’accrochent à ses colliers de fantômes. Les mythes, les croyances, les rêves et les cauchemars sont apprivoisés dans son travail par une interprétation sensible et narrative faisant référence à la vie, à la nature et au monde végétal. Tour à tour, ces cinq artistes nous permettent de quitter la terre ferme vers les profondeurs, vers le ciel ou vers un ailleurs collectif.
Ce premier cycle d’expositions prend forme sur des terrains fertiles desquels émergent des pratiques artistiques, curatoriales et éditoriales en cours de construction. Développant de nouvelles manières de penser et d’être au monde, nous cherchons la possibilité de l’être ensemble, «un être transitif, un mode d’existence qui fait monde avec d’autres mondes»[5]. Fort de cette réflexion, de cette errance et gonflé de ses premières racines, notre collectif poursuit sa désorientation.
L’exposition au CAC Brétigny sera accompagnée d’une programmation filmique diffusée en continu, conçue en collaboration avec le collectif Jeune Cinéma.
Des membres du collectif Champs magnétiques seront présent·es en permanence sur les horaires d'ouverture afin de proposer des visites guidées de l'exposition
«Des soleils encore verts» , une exposition en mouvement:
Mains d'Œuvres, du 7 au 11 juillet 2021
CAC Brétigny, du 15 au 17 juillet 2021
Bétonsalon, du 30 juillet au 1 août 2021
DOC!, du 3 au 5 septembre 2021
La Passerelle, du 16 au 18 septembre 2021
Notes:
[1] Andrée Chedid, Textes pour un poème suivi de Poèmes pour un texte 1949-1991, Paris, Poésie / Gallimard, 2020.
[2] Idem.
[3] Vinciane Despret, Au bonheur des morts, récits de ceux qui restent, Paris, Éditions La découverte, 2015.
[4] Créature surnaturelle du folklore japonais, esprit malfaisant ou malicieux.
[5] Josep Rafanell I Orra, Fragmenter le monde, Paris, éditions divergences, 2020, p. 44.
En fin de cursus à l’Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs, Léonore Camus-Govoroff est une artiste non-binaire qui mène un travail plastique et politique entre performance, installation et photographie. Engagée dans un questionnement du corps individuel et collectif, elle interroge les systèmes de domination et questionne la biopolitique à laquelle sont soumis les corps. Son travail se déplace entre éco-féminisme, anthropologie queer, pop culture et BDSM softcore. Léonore Camus-Govoroff est guidée par un désir de questionner les limites physiques et sociales auxquelles font face les individu·e·s, pour en imaginer des transgressions possibles. Depuis 2019, elle participe à l’élaboration d’Alien She avec Cléo Farenc, association ayant pour but de promouvoir le travail de jeunes artistes s’identifiant comme femmes, queer et/ou non-binaires.
Étudiant-artiste de la filière Art-Espace de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, Louis Chaumier entretient un rapport de tendresse avec les matériaux qu’il utilise. Ces derniers se réfèrent au mobilier le plus banal, aux formes standardisées du design industriel et de l’architecture modulaire qui nous entourent depuis les années 1950. Louis Chaumier prélève ces matériaux, les réagence et les fait interagir pour qu’ensemble ils produisent un nouveau sens. Ses installations attirent alors notre attention sur un quotidien normé et codifié à remettre en cause. Il est ici question de reconfigurer le réel, de faire naître des espaces nouveaux à partir de formes normées. Les paysages qui en résultent sont des ruines de la modernité, habitées autant par ses fantômes que par la possibilité d’y trouver refuge.
Jérôme Girard est étudiant-artiste en Art-Espace à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. Plasticien et musicien, le son est au cœur de son travail. Il s'approprie des savoir-faire artisanaux pour fabriquer des instruments de musique autonomes ou activables. Ses œuvres plongent les spectateur·rices dans d'environnements où la déambulation permet de faire varier la bande son de l’espace. Ses œuvres se mettent à l’écoute des sculptures, instruments, corps et voix qui les entourent. L’exposition devient ainsi un espace aux codes bouleversés par une matière sonore porteuse de sens et d’émotion. Sous cette exploration du son comme médium se trouve une vision poétique et politique d’un monde rhizomatique, où les connexions des éléments qui le peuplent sont à explorer avec attention. En 2021 son projet Sous ces voûtes intranquilles a été nommé pour le Prix Étudiant COAL.
Étudiante en cinquième année au sein de l’atelier de Dominique Figarella aux Beaux-Arts de Paris, Ninon Hivert exprime la présence de corps et de mouvements passés, fixés dans le temps. Observatrice du quotidien, elle travaille la céramique pour modeler des vêtements-sculptures, à partir d’un répertoire photographique d’objets trouvés, constitué au fil des années. Ces objets sont chargés d’une double présence - celle des gestes de l’autre, puis celle de l’artiste laissant ses empreintes dans la matière amorphe. Les œuvres de Ninon Hivert ont vocation à être présentées en une cartographie de postures minéralisées, semblables à des fossiles déposés à même le sol. À l’image d’un site archéologique, l’espace occupé par les œuvres fait cohabiter plusieurs temporalités: le passé du geste, celui de l’abandon de l’objet, le présent de la découverte.
Diplômé par l’École nationale supérieure d’Arts de Paris-Cergy, Konstantinos Kyriakopoulos étudie à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Dominique Figarella. L’artiste ouvre avec chacune de ses sculptures des espaces de création et d’imaginaires collectifs, toujours dans une démarche collaborative avec un·e artiste de son choix. Une rencontre de plusieurs artistes autour d’un lit débouche sur une confrontation sans règles à suivre, une collaboration pensée comme une cohabitation. Le dialogue et l’hospitalité sont au cœur du travail de Konstantinos Kyriakopoulos, il interroge ainsi les pouvoirs imaginatifs de la transformation. Un lit est un prétexte pour créer un espace dans l’espace. Il accueille les imaginaires, peut devenir un tableau, un arrêt de bus ou une table de jeu pour développer des photogrammes.
En fin de cursus à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Maïa Lacoustille mène un travail pluridisciplinaire explorant l'installation, la vidéo, et l’écriture, nourri par les questions de genre et par l’époque médiévale. Elle enquête sur les systèmes de langage, de connaissances, explore les mécanismes de pouvoir et de domination qu’ils impliquent. Du vieux français utilisé dans ses récits aux possibilités de la manipulation numérique, l’artiste questionne notre rapport au savoir, à l’Histoire, tant ses incidences dans le futur que ses canaux les plus populaires. Lasse de la passivité contemporaine, ce rapport doit être actif, s’incarner dans un engagement social, politique, artistique. En constituant ce qu’elle définit comme «une cour des miracles peuplée de gueux», Maïa Lacoustille s’engage à rendre visibles celles et ceux dont la présence a été masquée.
Diplômée par l’École nationale supérieure d’Arts de Paris-Cergy, Lucille Leger étudie à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Dominique Figarella. Selon l’artiste, ses sculptures «sont des figures faisant appel à l’espace domestique et aux attitudes et postures humaines». En les considérant comme du vivant, Lucille Leger leur accorde une intimité et ainsi interroge des notions tels que la pudeur, l’empathie, la distance entre ces objets et nous. Son travail s’inscrit dans un exercice de remise en cause des objets qu’elle crée, dans un flux de transformation constante des matériaux grâce auquel les gestes et traces de ces métamorphoses sont montrés sur les surfaces de ses œuvres. Lucille Leger a exposé aux Grands Voisins et aux Magasins généraux à Paris, à Lyon, ainsi qu’à Leipzig ou Athènes.
En fin de cursus à l’atelier Figarella des Beaux-Arts de Paris, Masha Silchenko a précédemment étudié au Collège d’Art d’Odessa et à Geidai, Université des Arts de Tokyo, où elle a appris les techniques traditionnelles de la céramique. Son travail croise et met en regard le dessin, la sculpture et la peinture sur toile. Les mythes, les croyances, les rêves et les cauchemars y sont apprivoisés par une interprétation sensible et narrative. Des références à la vie, à la nature et au monde végétal interagissent et se transforment par des gribouillages sur la matière. Les objets de Masha Silchenko semblent habités de présence : les bols sont dotés d’yeux exorbités, les vases portent des ailes de chauves-souris et des visages miniatures sont visibles aux sommets de ses sculptures. Ses peintures, elles, sortent du cadre, prenant forme sur des supports froissés et découpés au hasard.
Simultanément en image imprimée à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs et dans l’atelier de Dominique Figarella aux Beaux-Arts de Paris, Chloé Vanderstraeten a aussi étudié à l’Institut de Typographie de Séoul. Usant des codes du dessin technique et de la pictographie, elle pratique elle-même le dessin, l’image imprimée et l’édition. Influencée par les univers graphiques de Jorinde Voigt et Matt Mullican, elle bâtit une cité imagée sur papier, comme un projet architectural indéfiniment bloqué dans la phase transitoire entre l’imaginaire et le réel. Les usages en sont archivés dans des logotypes, donnant forme à des utopies dessinées. Chloé Vanderstraeten trace les lignes de flux invisibles, construit et reconstruit des infrastructures fictives et y retranscrit les comportements humains: respirer, parler, rêver, jouer, cultiver, dormir, construire.
Champs magnétiques est un collectif de jeunes curateur·rices formé par les étudiant·es du master professionnel «L’art contemporain et son exposition» de Sorbonne Université. Il réunit Elizabeth Allen, Sergi Álvarez Riosalido, Lucie Brechette, Lisa Colin, Maria Claudia Gamboa, Magdalena Gemra, Thomas Maestro, Lola Majzels, Violette Morisseau, Léa Pagnier, Marie Plagnol et Tom Rowell.
L'exposition «Des soleils encore verts» bénéficie du soutien des Beaux-arts de Paris, de l'École nationale supérieure des arts décoratifs, de Sorbonne Université, de la CVEC-Crous de Paris et de la Ville de Paris. L'exposition bénéficie également d'un prêt exceptionnel de films du Collectif Jeune Cinéma et de la mise à disposition des lieux d'exposition de Mains d'Œuvres, CAC Brétigny, Bétonsalon, DOC! et Sorbonne Université. Le CAC Brétigny est un établissement culturel de Cœur d’Essonne Agglomération. Labellisé Centre d'art contemporain d'intérêt national, il bénéficie du soutien du Ministère de la Culture—DRAC Île-de-France, de la Région Île-de-France et du Conseil départemental de l’Essonne, avec la complicité de la Ville de Brétigny-sur-Orge. Il est membre des réseaux TRAM et d.c.a.
Agenda
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Jeudi 15 juillet 2021, 14h—18h
Soft opening
En présence des artistes Maïa Lacoustille, Masha Silchenko et Chloé Vanderstraeten
Pour la deuxième occurrence de l’exposition en mouvement «Des soleils encore verts», le collectif Champs magnétiques propose au CAC Brétigny une rencontre entre les artistes Léonore Camus-Govoroff, Jérôme Girard, Maïa Lacoustille, Masha Silchenko et Chloé Vanderstraeten. À l’écoute des mondes, les œuvres présentées créent de nouveaux paysages, univers étranges et mystiques d’objets habités. A l’occasion de l’ouverture de l’exposition, nous vous invitons à venir rencontrer, dans des visites libres d'accès, les artistes qui s’érigent en résistance face aux dogmes de la pensée rationaliste.
Visite libre, pour toute demande d’information: champsmagnetiquesexpo@gmail.com
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Samedi 17 juillet 2021, 16h30
Discussion autour de l’exposition
En compagnie de Maïa Lacoustille, Valentin Gleyze et Margaux Bonopera
Pour le dernier jour de l’exposition au CAC Brétigny, le collectif Champs magnétiques propose une table-ronde avec l’artiste Maïa Lacoustille, Valentin Gleyze du collectif Jeune Cinéma, et Margaux Bonopera, curatrice. La discussion aura pour point de départ les réflexions sur l’occulte, les spiritualités contemporaines et les savoirs alternatifs proposées par les œuvres de l’exposition, avec lesquelles résonne la programmation de court métrage conçue par le collectif Jeune cinéma. Nous poserons ainsi la question de la rencontre, entre des propositions artistiques mais aussi ésotériques.
Suivie à 18h par un moment convivial autour d'un apéritif.
Inscription conseillée à champsmagnetiquesexpo@gmail.com