les cellules blanches, nues et le sommeil électrique
Sébastien Rémy

13.04—08.06.19

  • U+F011-000

    Zone à usage privé

  • Note manuscrite

  • s.n.

    Stylo bille, 0,8 × 0,6 cm

  • Archives personnelles

    03.07.1981

Sébastien Rémy
avec
Raphaël Brunel
Alexis Guillier
Maud Jacquin
Luc Kheradmand
Émile Ouroumov
Elsa Polverel
Anne-Lou Vicente

Commissaire: Céline Poulin, assistée de Camille Martin

 

La semaine dernière je suis allée visiter Sébastien Rémy à l’hôpital psychiatrique d’Étampes. Véronique Bathily l’a accueilli en résidence pour son projet les cellules blanches, nues et le sommeil électrique. Je me souviens de notre première visite de l’institution: Émilie [1] s’était réjouie de retrouver Sébastien qu’elle voyait pourtant pour la première fois. C’est quelque chose chez lui qu’elle a dû percevoir intuitivement: cette empathie envers les lieux qui donne l’impression qu’il les a toujours connus. D’ailleurs, c’est vrai qu’il s’intéresse particulièrement aux fantômes [2].

Quand j’arrive il discute avec quelqu’un, peut-être un des électriciens qui œuvrent sur le bâtiment. Dans ce pavillon en restauration, il faut emprunter plusieurs couloirs ouverts sur des salles vides avant d’arriver à l’espace de travail de Sébastien Rémy. Y est reconstituée une chambre standard, seule pièce occupée dans le lieu désert, l’artiste en numérise les éléments. Il était important pour nous de se baser sur du mobilier existant afin de sortir de la représentation iconique des lieux thérapeutiques véhiculée par la fiction. Le lit, l’armoire ressemblent à ceux des internats de lycée. Il s’agit ici comme ailleurs de vivre quelque part, à la fois avec et sans les autres. La communication complexe avec l’altérité imprègne profondément plusieurs œuvres de l’artiste, comme Tant que je vous parle ce n’est pas une frontière. De Lee Lozano, une des premières artistes à composer des «conversation pieces» et étrangement connue pour avoir cessé de parler aux femmes, aux personnages du réalisateur Wim Wenders incapables d’échanger une parole, Tant que je vous parle ce n’est pas une frontière met en abîme des histoires imprimées sur plexiglas avec l’usage possible du dispositif, sorte de confident empêchant ses occupants de converser. La situation de Sébastien Rémy dans la chambre de l’hôpital rappelle aussi celle qu’il a vécue à Varennes-Vauzelles dans un appartement en zone péri-urbaine. Il travaillait là-bas sur a shadow was seen moving in that window. L’appartement chichement meublé lui permettait de rejouer la situation de personnages habitant le récit produit par l’œuvre, caractères fictifs ou historiques ayant vécu et voyagé reclus. Là encore il pouvait entendre des voix, celles des voisins, la rumeur de la rue, pour y mêler et y chercher la sienne.  

Mais tout n’a pas commencé là. Je rencontre Sébastien Rémy en 2010, au détour d’une cimaise à Bourges. Tout juste sorti de l’école des beaux-arts de Cergy, il présente au Pavillon d’Auron plusieurs projets, dont Diogène le chien: correspondances 2000-2009 qui incarne la parole du penseur défunt. Nous commençons une discussion qui ne s’interrompra plus. Nos modes de travail et nos obsessions se rejoignent, entre autres celles de la construction d’un récit polyphonique et de la modulation narrative par l’agencement des images. La question du monteur lyrique m’occupe déjà et Sébastien Rémy en deviendra une figure centrale.  

«[Le terme de lyrisme est souvent] entaché par une acception égocentrée (il désigne la place faite au ‹Moi› dans la formulation poétique), il s’avère pourtant que le rapport entre l’auteur et la réalité qui l’entoure, trouvant son expression dans cette forme, est plus complexe que la simple émanation d’une subjectivité. [...] Effectivement, le sujet lyrique est tout d’abord celui qui s’exprime, mais c’est un ‹je› ambigu, pris entre sa singularité et l’universalisme auquel il aspire [...].  Les figures littéraires permettant de repérer cette tension contradictoire s’appliquent parfaitement aux principes de concaténation dirigeant les recherches de ces monteurs lyriques [...], surfant parfois sur les algorithmes de Google: une métaphore filée envahissante, des descriptions proliférantes, des passages permanents entre subjectivité et objectivité, les jeux de répétition et d'ubiquité, et surtout une chronologie multiple structurée uniquement en une unité cohérente par la figure de celui qui énonce.» [3]

Bonimenteur, médiateur, conférencier, médium… qu’il incarne ces formes d’oralité, qu’il les fasse jouer par d’autres ou qu’un dispositif les prenne en charge, l’énonciation est nécessairement présente dans chaque travail de l’artiste. les cellules blanches, nues et le sommeil électrique sera ainsi parcourue de son verbe et des paroles de tous les auteur.rice.s qui font naître avec lui un espace. L’exposition, je m’en rends compte aujourd’hui, agence des occurrences récentes de projets qui ont ponctué la collaboration que j’entretiens depuis bientôt 10 ans avec Sébastien Rémy. Dans cette discussion, il a inclus de nombreux autres: Maud Jacquin et Elsa Polverel avec qui il a partagé lectures et réflexions, notamment autour des écrits d'Emma Santos; Alexis Guillier avec qui il a collaboré de 2010 à 2015; Emile Ouroumov, commissaire et critique proche de l’artiste et également de l’histoire du centre d’art; les usagers du CAC Brétigny, rencontrés tous les quinze jours durant les trois mois de l’exposition «Vocales»… pour ne citer qu’eux·elles. De voix, celle du bâtiment lui-même semble se matérialiser dans l’exposition. Sans cesse modifiée, transformée et habitée d’individus multiples, l’architecture du CAC Brétigny s’exprime ici dans chacune des œuvres de l’artiste, se représentant dans son usage quotidien, s’abimant dans la ressemblance avec d’autres espaces blancs et vides, laissant apercevoir son impermanence et les peurs qui peut-être en découlent.

Céline Poulin

[1] Les noms des patient·e·s ont été changés.

[2] Projet The Voices from Space, depuis 2009, présenté à La Halle des bouchers—Centre d’art contemporain (2014) et à la Fondation d’entreprise Ricard (2013).

[3] Pour le texte complet voir: Céline Poulin, «Petra Genetrix and the Figure of the Lyrical Assembler», in Porosity Valley, Portable Holes, Ayoung Kim, Ed. Ilmin Museum of Art, 2019.
 

Sébastien Rémy a récemment exposé à La Galerie, centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec pour l'exposition annuelle «Tes Mains dans mes chaussures» (2016-2017), à La Tabacalera, Madrid (2017), à Ygrec (2017, 2014), au Parc Saint Léger (2016, 2014), au Pavillon Vendôme (2016), à La Comédie de Caen (2016), ainsi qu’à la Maison des Arts de Malakoff (2015), au Théâtre de l’Usine (2015), au Centre Pompidou (2014), à la Villa Arson (2014), à La Halle des bouchers (2014), à la Fondation d’entreprise Ricard (2013), à La Villa du Parc (2013), à la Maison Populaire (2013) et à La Tôlerie (2013). Cette exposition sera pour l’artiste francilien sa première exposition monographique en institution.

Le CAC Brétigny est un équipement de Cœur d’Essonne Agglomération et bénéficie du soutien du Ministère de la Culture—Drac Île-de-France, de la Région Île-de-France et du Conseil départemental de l’Essonne, avec la complicité de la Ville de Brétigny-sur-Orge. Il est membre des réseaux TRAM et d.c.a.

Cette exposition a été réalisée en partenariat avec l’Établissement Public de Santé Barthélémy Durand site d’Étampes, la Classe préparatoire Arts Visuels de Grand Paris Sud et la Drac Île-de-France (co-productrices de sans titres (loss) 2018), ainsi qu’avec la participation de La Galerie, centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec. Le projet Tant que je vous parle ce n’est pas une frontière a bénéficié du soutien de la Fondation des Artistes.
 

Documents

Agenda

  • Samedi 13 avril, 17h-21h

    les cellules blanches, nues et le sommeil électrique

    Vernissages

    Vernissages des expositions «les cellules blanches, nues et le sommeil électrique» au CAC Brétigny et «Finding Money» au Théâtre Brétigny. Cocktail dînatoire ouvert à toutes et à tous à partir de 19h.

    Navette gratuite en partenariat avec le Centre d'Art Contemporain Chanot. Rendez-vous à 15h30 au 104 avenue de France, 75013 Paris (métro Bibliothèque François Mitterrand). 16h30: vernissage de l’exposition «take (a)back the economy» au Centre d’Art Contemporain Chanot à Clamart. 17h30: départ pour le CAC Brétigny. Réservation indispensable: reservation@cacbretigny.com

  • Jeudi 18 avril, 17h-19h

    les cellules blanches, nues et le sommeil électrique

    Visite pédagogique

    Vous êtes invités à découvrir les activités que nous proposons pour les groupes et les publics scolaires à travers une visite de l’exposition «les cellules blanches, nues et le sommeil électrique» suivie d’une collation.

    Pour les enseignants de maternelle, du primaire et du secondaire, les animateurs, les éducateurs et les associations. Réservation indispensable: reservation@cacbretigny.com

  • Chaque mercredi, 14h30 et 16h30, et sur rendez-vous

    «Mini mundi»

    Atelier de pratique artistique

    En s’inspirant des images de films utilisées par Sébastien Rémy dans ses oeuvres, les enfants réalisent un diorama. Le diorama est une mise en scène en 3D, une sorte de «mini monde» qui est fabriqué à la main pour tenir tout entier dans une boîte.

    À partir de 3 ans. Réservation indispensable pour les groupes: reservation@cacbretigny.com ou +33 (0)1 60 85 20 76

  • Les samedis 20 avril, 4 et 18 mai, et 1er juin 2019, 15h-16h30 et sur rendez-vous

    «Skopéo»

    Atelier de pratique artistique en famille

    À partir de certaines images et de certains effets d’optique observés au cours de l’exposition, les familles fabriquent leur propre kaléidoscope, un objet qui permet d’expérimenter autour de la lumière et des couleurs.

    À partir de 3 ans. Réservation indispensable pour les groupes: reservation@cacbretigny.com ou +33 (0)1 60 85 20 76

  • Mercredis 24 avril et 22 mai à 16h30; jeudi 2 mai à 15h et sur rendez-vous

    «Imago lenticulus»

    Atelier de pratique artistique

    L’imagerie lenticulaire est un procédé qui consiste à superposer deux images dans une même image, ce qui permet de voir l’une ou l’autre des images selon l’angle sous lequel on les regarde. Après avoir observé l’usage qu’en fait l’artiste Sébastien Rémy, les enfants fabriquent leur propre image lenticulaire.

    À partir de 8 ans. Inscription: reservation@cacbretigny.com ou +33 (0)1 60 85 20 76

  • Samedis 4, 25 mai et 8 juin à 16h

    les cellules blanches, nues et le sommeil électrique

    Rencontre avec Sébastien Rémy

    «Sur le panneau plexiglas où je colle mon visage, le reflet d’une page se superpose à des textes et des images imprimés. page 12. Je déchiffre graduellement: ‹J’aimerais bien parler doucement, tout doucement, afin que tu sois obligé de venir tout près de moi, et je parlerais dans une langue qui te semblerait étrangère, ou peut-être uniquement sous forme d’images, et tu n’aurais rien à identifier, car je serais là et ça te suffirait.› Après des minutes de silence et des hésitations, assis non loin les uns des autres, nous engageons une conversation.»