1991–2002
Xavier Franceschi
Du CCCB au CACB (2) 1991–2002
Comme suite au transfert du service culturel du Centre Gérard Philipe à l’Espace Jules Verne en 1988, Jean-Michel Espinasse, alors Responsable arts plastiques de la Ville, récupère et transforme l’espace central de ce nouveau lieu—initialement conçu comme vaste hall d’accueil entre la médiathèque et le théâtre—pour en faire un lieu d’exposition.
L’Espace Jules Verne est alors dirigé par Dominique Goudal, également directrice du théâtre. Au départ de Jean-Michel Espinasse (qui avait été nommé en 1986), elle confie la programmation arts plastiques du lieu à Xavier Franceschi. Alors doctorant en arts plastiques à l’Université de Paris 1, il prend ses fonctions à la fin de l’année 1991. Il s’agit là de son tout premier poste. S’il reprend en partie la notion de laboratoire revendiquée par son prédécesseur, en concevant un projet largement tourné vers l’expérimentation et la production, il lui apparait dans le même temps comme une nécessité de travailler à l’ancrage de ce nouveau lieu en retissant des liens forts avec le public.
Une programmation axée sur la production
En 1992 est créée l’«Association des directeurs de centre d’art» (baptisée d.c.a par la suite). Ceci constitue un moment de renforcement significatif des structures d’art contemporain à l’échelle nationale, tout comme l’était la création de la IAPIF, en Île-de-France, dans les années 1970, donnant aux lieux d’exposition visibilité, reconnaissance, et possibilité de travailler en réseau.
Dans ce contexte, la première des priorités est pour Xavier Franceschi d’affirmer la place de l’art contemporain au sein de ce lieu culturel pluridisciplinaire. Il le fait en tout premier lieu par la mise en place d’une programmation ambitieuse, constituée essentiellement d’expositions monographiques. Celles-ci contribuent à révéler une jeune génération d’artistes qui y réalisent bien souvent leurs premiers projets d’envergure.
L’une des caractéristiques majeures du projet tient précisément à offrir aux artistes invité·es les moyens de produire de nouvelles pièces, conçues en fonction du contexte spécifique, en particulier spatial, du lieu. Pour ce faire, il se rapproche notamment des ateliers municipaux, disposant de moyens et de compétences conséquents à cette époque (menuiserie, métal, etc.), pour réaliser nombre de productions d’importance. Ainsi en est-t-il des œuvres réalisées avec Philippe Ramette, Carsten Höller (Le Saut Méduse, acquis pas le Cnap), Franck Scurti (Mobilis in Mobili acquis par le Frac Aquitaine) ou Maurizio Cattelan. Ce-dernier propose notamment un projet qui consiste à fabriquer et installer sur le toit de l’Espace Jules Verne une réplique du toit de l’église St-Pierre située sur la colline surplombant le Centre culturel, l’artiste ayant constaté une étonnante similitude architecturale entre les deux bâtiments.
Il met également en œuvre une politique éditoriale soutenue, publiant des catalogues de manière quasi systématique, en étroite collaboration avec les artistes invité·es. Nombre d’entre elles·eux réalisent là leur première publication monographique (Patrick Corillon, Franck Scurti, Michel Blazy, Richard Fauguet, Alain Bernardini, Luc Deleu, Bruno Perramant, Florence Paradeis, etc.).
Le Club du Capitaine Pip
Devant la nécessité de fidéliser un nouveau public, et dans un contexte général où peu de choses étaient développées à la fois dans les institutions et dans les autres lieux de l’art contemporain (galeries, etc.) pour accueillir de façon bienveillante les publics, Xavier Franceschi met en place une formule originale : le Club du Capitaine Pip[1].
Ce club, créé avec Francis Bentolila—nouvellement arrivé au Centre d’art pour précisément repenser le rapport au public[2]—, réunit dans une ambiance conviviale curieux·euses, amateur·rice·s et professionnel·le·s lors de séances mensuelles en soirée.
Conçue sous la forme d’un cabaret, cette revue parlée est constituée de différentes rubriques: point sur l’actualité de l’art contemporain, reportages, rencontres avec des artistes, performances. De 1992 à 2002, le Club du Capitaine Pip reçoit et présente plus d’une centaine d’artistes ainsi que de nombreux·euses autres intervenant·e·s (historien·ne·s d’art, responsables d’institution, critiques, etc.)[3], pour établir un autre rapport à l’art avec le public.
Fondé sur le principe de la fidélisation, le Club du Capitaine Pip permet un développement sans précédent des publics du Centre d’art.
Extensions
À la fin des années 90, Xavier Franceschi propose aux élu·e·s de la Ville un projet d’extension du bâtiment en vue de mettre en place des expositions plus ambitieuses, permettant à la fois d’assoir plus encore la dimension de Centre d’art au sein du centre culturel et de renforcer la position acquise au niveau national et international.
Après une première proposition élaborée avec l’Atelier Van Lieshout[4], c’est finalement la proposition de l’architecte Nicolas Michelin, en accord avec les architectes Badia/Berger concepteur·rice·s de l’Espace Jules Verne, qui est retenue. La réalisation de cette extension—destruction d’une rampe inutilisée, déplacement et reconstruction de la façade vitrée—permet de doubler la surface d’exposition et de créer les bureaux du Centre d’art.
Le nouveau Centre d’art contemporain, labellisé comme tel par le Ministère de la culture et la Drac Île-de-France, est inauguré avec l’exposition Be Seeing You en novembre 2000. Cette exposition est notamment élaborée en commandant de nouvelles productions auprès d’artistes, qui sont envisagées cette fois-ci comme pérennes et significatives de la fonction de l’espace ainsi transformé. Une nouvelle version de Le Feu de Xavier Veilhan, un module spécialement conçu par L’Atelier Van Lieshout venant se greffer sur la façade, un ensemble de tapis afghans et un bureau d’accueil de Michel Aubry, une plaque commémorative de Patrick Corillon, sont ainsi intégrés au lieu à cette occasion. Ce sont ces pièces, devenues propriété de la Ville puis de la communauté d’agglomération[5], qui sont à l’origine des autres projets d’œuvres in situ développés par la suite.
Manon Prigent, d’après un entretien avec Xavier Franceschi.
Notes
[1] Du nom de la salle de l’Espace Jules Verne qui a accueilli la première séance.
[2] Assurant d’abord à lui seul les différentes fonctions du centre d’art (programmation, communication, médiation, régie, édition), Xavier Franceschi convainc les élu·e·s de la vile de la nécessité de confier à cet ancien directeur du Creux de l’Enfer la mise en œuvre d’un projet en direction des publics. Marie-Pierre Le Jeanne, élue culture de la ville de Brétigny et Jean de Boishue, maire de Brétigny de 1984 à 2001, puis plus tard le département de l’Essonne à travers Acte 91, leur apportent leur soutien.
[3] Citons, pour mémoire, Pierrick Sorin, Maurice Blaussyld, Roman Signer, Matthieu Laurette, Jochen Gerz, Ernest T, Pierre Huyghe, Richard Kern, Nicolas Frize, Fabrice Hybert, Yan Duyvendak, Valérie Mréjen, Erwin Wurm, Viktor et Rolf, Arnaud Labelle-Rojoux, Charlemagne Palestine, Dominique Noguez, Valère Novarina...
[4] La proposition de l’Atelier Van Lieshout comportait notamment un «plug in» avec un camion transformé en galerie d’exposition ambulante destiné à circuler sur le territoire.
[5] De cette façon, Xavier Franceschi envisage autrement la politique d’acquisition menée auparavant. Elle consistait à ce que les artistes invité·e·s pour les expositions laissent en retour une œuvre à la Ville.